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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 9, 1904.djvu/213

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FORMATION ET CARACTÈRES DU NOUVEL ÉTAT


les théories de la monarchie et de la Révolution avaient préparée, et vers laquelle le concours final des événements, je veux dire « l’alliance de la philosophie et du sabre », conduisait les mains souveraines du Premier Consul.

Aussi bien, avec le caractère qu’on lui connaît, avec la promptitude, l’activité, la portée, l’universalité et la forme de son intelligence, il ne pouvait vouloir une œuvre différente, ni se réduire à une œuvre moindre. Son besoin de gouverner et d’administrer était trop grand ; sa capacité pour gouverner et administrer était trop grande : il avait le génie absorbant. — D’ailleurs, pour la tache extérieure qu’il entreprenait, il lui fallait à l’intérieur, non seulement la possession incontestée de tous les pouvoirs exécutifs et législatifs, non seulement la parfaite obéissance de toutes les autorités légales, mais encore l’anéantissement de toute autorité morale autre que la sienne, c’est-à-dire le silence de l’opinion publique et l’isolement de chaque individu, partant l’abolition préventive et systématique de toute initiative religieuse, ecclésiastique, pédagogique, charitable, littéraire, départementale, communale, qui, dans le présent ou dans l’avenir, eût pu grouper des hommes contre lui ou à côté de lui. En bon général, il assure ses derrières : aux prises avec l’Europe, il s’arrange

    les uns aux autres la satisfaction qu’on en avait. Cela lui faisait des amis, qui s’unissaient avec ceux de cette maison, et qui faisaient ensemble des pelotons contre l’État. Le roi n’a pas agréé cela : il croit que ces réunions sont dangereuses dans un État. »