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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/102

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pas pour le roi, mais pour la patrie ; il y a un parlement. » Ils lisent les journaux qui coûtent un sou, ils prononcent les grands mots un peu vides parfois et dont on abuse, mais nobles et vrais en ce moment, et qui ont une si forte prise sur les hommes. J’ai entendu en wagon deux Italiens qui revoyaient Naples après cinq ans d’absence. L’un d’eux disait : « Ils s’améliorent ; aujourd’hui c’est presque un peuple moral. »

Il leur faut du temps ; le temps consolidera tout, même les finances ; elles sont la grande plaie en ce moment. L’an dernier, le déficit était d’un million par jour ; elles se rétabliront peu à peu, à mesure que la nation produira et consommera davantage ; dans l’année qui vient de s’écouler, Naples a vendu pour cent millions de coton, et cette année la récolte sera encore meilleure. Les douanes du midi ne rapportaient presque rien, tout était ouvert aux contrebandiers ; on a mis d’autres douaniers, et le frère d’un de nos amis, inspecteur, dit que cette année l’augmentation sera de sept cent mille ducats.

Autre signe d’apaisement. Le gouvernement fait enlever les madones des coins des rues ; on les trouvait le matin percées de coups de poignard, soit par les mazziniens, soit par les bourboniens. On les transporte à l’église voisine. Dans certains quartiers, les femmes s’attroupent, se désolent, se tordent les bras ; mais dans beaucoup d’autres la foule dit que c’est bien, qu’on les profanait en salissant le mur, en jurant devant elles.

Il se fait ici une expérience intéressante et digne d’être suivie de près par les observateurs, celle d’une révolution moins violente que la nôtre, moins dérangée par l’intervention étrangère, la même au fond, puisqu’il