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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/107

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J’ai vu un jeune homme de vingt et un ans qui a travaillé ainsi tout seul et pour lui-même, et qui sait le sanscrit, le persan, une dizaine de langues, qui connaît fort bien Hegel, Herbart, Schopenhauer, Stuart Mill et Carlyle, qui est au courant de tous nos écrits français et de toutes les nouveautés allemandes, de tout ce qui tient au droit, aux philosophies, aux études de linguistique et d’exégèse. Son érudition et sa compréhension sont celles d’un homme de quarante ans ; maintenant il va compléter son éducation en passant une année à Paris et à Berlin. Voilà de beaux germes, je souhaite qu’il y en ait beaucoup de pareils et qu’ils se développent ; mais ce n’est pas tout d’apprendre à force et d’aimer le choc des idées : il faut produire, se faire une voie propre ; sans invention, il n’y a pas de culture véritable. Plusieurs de mes amis témoignent à ce sujet des inquiétudes, jugent cette ébullition superficielle, disent que la nouvelle science est une sorte d’opéra, une grande féerie à laquelle se livrent les cervelles spéculatives. « Quelques érudits, disent-ils, importent et accumulent des montagnes de matériaux étrangers ; une foule de curieux se pressent autour des plans, des fac-simile et des copies des architectures étrangères : qui concevra et exécutera le monument national ? »



Dans les rues, à la promenade, au théâtre.


La plupart des femmes sont ordinaires, mais il y a quantité de très-jolis jeunes gens fort élégants, parfaitement habillés. Un de nos amis qui a parcouru l’Italie disait qu’on rencontre dans de toutes petites villes des