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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/113

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un demi-monsieur ne mange qu’un grano de pain par jour (4 centimes). Ils travaillent tout le jour, parfois jusqu’à minuit, sauf la sieste de midi à trois heures. On voit des cordonniers en plein air tirer l’alêne du matin au soir. Les chaudronniers qui, derrière le port, occupent des rues entières, ne cessent jamais de battre. M. B… avait besoin de cinquante femmes pour égrener du coton ; deux cent cinquante firent irruption en passant par-dessus le corps du portier. Cependant ils font moins d’ouvrage que des ouvriers français ou des Italiens du Nord, il faut un surveillant qui les maintienne à leur travail.

Ce sont des enfants brillants, évaporés, enthousiastes, sans équilibre, livrés à la nature. À l’état ordinaire, ils sont aimables et même doux ; mais dans les périls ou la colère, en temps de révolution ou de fanatisme, ils vont jusqu’au bout de la fureur ou de la folie.



À San-Carlo. Il Trovatore.


Il y a six rangs de loges, et la salle est magnifique, point trop éclairée, point éblouissante. Ils savent ménager les yeux, tous les sens ; les spectateurs ne sont point entassés comme chez nous à l’Opéra ou aux Italiens. Les couloirs sont larges, un pourtour vide permet de circuler autour du parterre ; les sièges sont élevés de plusieurs pieds, afin de donner de la fraîcheur.

En revanche, c’est pour le reste un théâtre de province, vieillot et médiocrement propre. Il n’y a presque pas de toilettes, et cependant la Titiens chante, le prix est doublé. Les décorations, sauf une, sont mesquines ; celles du ballet sont ridicules : l’enfer, entre autres,