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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/112

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n’en comporte pas. L’homme est trop dispos, trop sûr de sa facilité pour se sentir embarrassé ou contraint devant quelqu’un ou quelque chose.

Beaucoup de bonnes qualités. Deux étrangers qui vivent ici, et dont l’un est chef d’usine, se louent d’eux après les avoir pratiqués depuis dix ans. Ils aiment passionnément leurs enfants : quand le père revient de la pêche, la mère les lui apporte ; il les prend, les baise, les caresse, leur fait toute sorte de mines. Ce sont les enfants qu’ils aiment, et non pas seulement leurs propres enfants. La gentillesse, la beauté innocente de cet âge, les touche ; elle est une poésie, et ils la sentent. Quand M. B… est absent, les ouvriers de la fabrique caressent ses enfants, s’attendrissent sur eux, ont parfois les larmes aux yeux.

La plupart des ménages ont un troupeau d’enfants, six, huit, jusqu’à douze. Ils n’évitent pas d’en avoir ; au contraire, ils en sont contents : ceux qui meurent deviennent de petits anges dans le paradis. Pour les autres, la sécurité des parents est animale ; un ânier de Salerne qui en avait douze, et qu’on plaignait, répondait : « J’espère bien en avoir encore quatre. » Une orange coûte un centime ; avec une chemise, on est vêtu ; les trois quarts de l’année on peut coucher en plein air. — Ils se marient très-jeunes. À vingt ans, même dans la classe bourgeoise, l’homme prend femme. Il y a beaucoup de mariages d’inclination : les filles qui n’ont pas le sou trouvent des maris. On voit des gens du monde épouser des ouvrières ; une grisette italienne n’a pas de peine à paraître une dame.

Les gens du peuple sont très-sobres, dînent avec du pain et un oignon. Tel vieil ouvrier qui a fait de son fils