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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/116

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« Belle nouvelle ! dit Polichinelle, la truie du voisin en a fait sept. » Cette comédie est toute bouffonne avec des traits de fantaisie ; d’autres, que j’ai lues, rappellent par la folie des imaginations les grandes bouffonneries d’Aristophane. Polichinelle est parfaitement poltron, flatteur, gourmand, pleurard, vicieux et spirituel ; c’est un drôle qui n’est point méchant au fond, mais qui vit sur le voisin et s’amuse en faisant bon marché de lui-même. — Un philosophe moraliste que j’ai rencontré ici dit que ce portrait est celui du Napolitain tel que l’avaient fait les Bourbons ; c’est un Grec gâté[1], d’une intelligence étonnante, rusé, malicieux à l’excès, mais employant tout cela au mal, démoralisé par le gouvernement qui volait, par les juges qui laissaient les parties suborner les témoins, par la corruption étalée en haut lieu, par la conviction sans cesse vérifiée que l’honnêteté ne conduisait à rien et peut-être était nuisible. Aujourd’hui même, s’ils y arrivent, ce sera plutôt par un calcul d’intérêt bien entendu que par l’éveil de la conscience. Ce qui domine encore en eux, c’est l’esprit obséquieux, la souplesse, l’art d’esquiver et de tourner les difficultés, l’aversion pour l’emploi de la force, le talent de parler, de bouffonner, d’être parasite, entremetteur, domestique. À côté d’eux, comme autrefois à côté des Grecs, les Italiens du Nord sont des lourdauds. Quand les Piémontais, à leur arrivée, ont voulu mettre de l’ordre dans l’administration, on s’est empressé, on a souri, on les a dupés sans difficulté. Comme les Grecs encore, ils ont une aptitude remarquable pour la philosophie ; cela se voit jusque

  1. Græculus.