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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/124

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décoratives et servent de second plan au tableau. Leur noblesse est parfaite et aussi leur douceur. Insensiblement elles prennent les teintes de la violette, du lilas, de la mauve. Plusieurs semblent une jupe de moire avec ses cassures ; les fortes arêtes, les saillies nues ne sont à cette distance que des plis lustrés. Les villes et les bourgs sur les hauteurs forment des groupes blancs, et l’azur du ciel est si pur, si fort, et cependant si suave, que je ne me souviens pas d’avoir vu une plus belle couleur.



Le Mont-Cassin.


Je connaissais un des supérieurs du Mont-Cassin ; j’y suis monté en passant. Tu as lu ce nom, c’est celui de la principale et de la plus ancienne abbaye des bénédictins. Elle est du sixième siècle, fondée sur l’emplacement d’un temple d’Apollon ; mais les tremblements de terre l’ont plusieurs fois détruite, et aujourd’hui l’édifice est du dix-septième. De ce centre, la vie monastique s’est propagée à travers l’Europe barbare dans les temps les plus noirs du moyen âge. Ce qui restait de la civilisation antique reposait ainsi dans des coins écartés, sous la croûte monacale, comme une chrysalide dans sa gaîne. Les moines copiaient des manuscrits au bourdonnement des litanies : cependant les sauvages du Nord passaient et repassaient dans les vallées, apercevant sur la cime rocheuse les fortes murailles qui protégeaient le dernier asile. Maintes fois ils les ont forcées ; plus tard, convertis, ils baissaient la tête avec une terreur superstitieuse, et venaient toucher les reliques.