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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/135

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je vais dans un musée, dans une galerie, presque toujours seul ; sans cela, impossible d’avoir des impressions à soi et surtout de les suivre ; la conversation et la discussion font sur les rêves et les images intérieures l’effet d’un coup de balai sur une volée de papillons. Tout en vaguant dans les rues, j’entre dans les églises, mon guide imprimé m’en dit l’architecte et le siècle ; cela les remet pour moi dans leur entourage historique et me fait raisonner involontairement sur les mœurs d’où elles sont nées. Rentré chez moi, je trouve sur ma table des livres du temps, surtout des mémoires et des poëmes ; je lis une heure ou deux, et j’achève de griffonner mes notes. À mon sens, Rome n’est qu’une grande boutique de bric-à-brac ; qu’y faire, à moins d’y suivre des études d’art, d’archéologie et d’histoire ? Je sais très-bien pour mon compte que si je n’y travaillais pas, le désordre et la saleté du bric-à-brac, les toiles d’araignées, l’odeur du moisi, la vue de tant de choses précieuses, autrefois vivantes et complètes, maintenant dédorées, mutilées, dépareillées, me jetteraient dans les idées funèbres. — Le soir venu, on appelle un fiacre et l’on fait des visites. On m’a muni de lettres d’introduction ; je vois des personnes de toute opinion et de toutes conditions, et j’ai rencontré beaucoup de politesse et de bienveillance. Mon hôte me parle du temps présent, de religion, de politique ; j’essaye de ramasser quelques idées sur l’Italie d’aujourd’hui ; elle est le complément de l’Italie d’hier, et comme une dernière pièce dans une série de médailles ; toutes ces médailles se commentent et s’expliquent les unes les autres ; je fais sur elles mon métier ordinaire ; après avoir touché à bien des choses, je trouve qu’il n’y en a qu’une de bonne ou