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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/136

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du moins de supportable, qui est de faire son métier.


Rome, l’arrivée.


Cette Rome hier au soir toute noire, sans boutiques, avec quelques becs de gaz éloignés les uns des autres, quel spectacle mortuaire ! La place Barberini, où je loge, est un catafalque de pierre où brûlent quelques flambeaux oubliés ; les pauvres petites lumières semblent s’engloutir dans le lugubre suaire d’ombre, et la fontaine indistincte chuchote dans le silence avec un bruissement de spectre. On ne peut rendre cet aspect de Rome le soir : le jour, « cela sent le mort[1] ; » mais la nuit, c’est toute l’horreur et la grandeur du sépulcre.


Premier dimanche, messe à la Sixtine.


On fait queue à l’entrée, les femmes sans chapeau, en voile noir, les hommes en habit noir officiel : c’est l’uniforme, mais on met son plus vieil habit ; quelques hommes ont un pantalon brun et un chapeau gris à larges bords : l’assemblée semble composée de clercs d’huissier et d’entrepreneurs de pompes funèbres. On est là par curiosité, comme à une pièce de théâtre ; les ecclésiastiques eux-mêmes causent librement et avec entrain de choses indifférentes.

Il s’établit autour de moi une conversation sur les chapelets. À Paris, ils coûtent trente-six francs la douzaine ; ici les meilleurs, au meilleur marché, se trouvent der-

  1. Mot de M. de Girardin.