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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/140

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chiens quêtent parmi les tas d’ordures. — Elle aboutit au portail sculpté, enjolivé d’une église trop ornée, sorte de bijou ecclésiastique, tombé sur un fumier. Au delà, les rues noirâtres et désertes recommencent à développer leurs files. — Tout d’un coup, par une porte entre-bâillée, vous voyez un bois de lauriers, de grands buis taillés, un peuple de statues parmi des jets d’eau vive. Un marché de choux s’étale autour d’une colonne antique. Des baraques recouvertes d’un parapluie rouge se nichent contre la façade d’un temple ruiné, puis subitement, au sortir d’un monceau d’églises et de taudis, vous apercevez des tapis de verdure, des potagers, et au delà tout un pan de campagne.

Enfin les trois quarts des maisons ont une tournure originale ; chacune intéresse par elle-même. Elles ne sont pas un simple massif de maçonnerie, une chose commode où on loge, et qui ne dit rien. Plusieurs portent une seconde maison plus petite, et au-dessus une terrasse couverte, un petit promenoir aérien. Les plus laides, avec leurs barreaux rouillés, leurs corridors noirs, leurs escaliers encrassés, sont rebutantes, mais on les regarde.

Je compare Rome encore une fois à l’atelier d’un artiste, non pas d’un artiste élégant, qui, comme les nôtres, songe au succès et fait montre de son état, mais d’un vieil artiste mal peigné, qui en son temps avait du génie, et qui aujourd’hui se dispute avec ses fournisseurs. Il a fait faillite, et les créanciers ont plus d’une fois démeublé son logis ; mais ils n’ont pu emporter les murailles, et ils ont oublié beaucoup de beaux objets. En ce moment, il vit de ses débris, sert de cicerone, empoche le pourboire, et méprise un peu les richards