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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/148

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un grand escalier de pierre lui fait une entrée monumentale. Deux lionnes de basalte gardent le pied de sa rampe ; deux statues colossales en gardent le sommet. Des balustrades rayent l’air de leurs rangées solides. Cependant, sur la gauche, un second escalier d’une longueur et d’une largeur énormes échelonne ses gradins jusqu’à la façade rougeâtre de l’église d’Ara-Cœli. Sur les degrés trônent par centaines des mendiants aussi déguenillés que ceux de Callot, et qui se chauffent au soleil majestueusement sous leurs chapeaux bossués, dans leurs souquenilles brunes. Tout ce spectacle se montre d’un regard, couvent et palais, colosses et canaille ; la colline, chargée d’architecture, lève tout d’un coup au bout d’une rue sa masse de pierre tachée d’insectes humains qui grouillent. Cela est propre à Rome.



Le Capitole.


Au centre de la place est une statue équestre de Marc-Aurèle en bronze. L’attitude est d’un naturel achevé ; il fait un signe de la main droite : c’est une petite action qui le laisse calme, mais qui donne de la vie à toute sa personne. Il va parler à ses soldats, et certainement parce qu’il a quelque chose d’important à leur dire. Il ne parade pas ; ce n’est pas un écuyer, comme la plupart de nos statues modernes, ni un prince en représentation qui fait son métier ; l’antique est toujours simple. Il n’a pas d’étriers ; c’est là une vilaine invention moderne, un attirail qui nuit à la liberté des membres, une œuvre de ce même esprit industriel qui a produit les gilets de flanelle et les socques