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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/172

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de fabrique ou de paysage à côté d’un trou entre deux pâtés de boue.



Le Panthéon, les Thermes de Caracalla.


On resterait ici trois ou quatre ans qu’on y pourrait toujours apprendre. C’est le plus grand musée du monde ; tous les siècles y ont laissé quelque chose ; qu’est-ce que j’en puis voir en un mois ? Un homme qui aurait le temps d’étudier et saurait regarder trouverait ici dans une colonne, un tombeau, un arc de triomphe, un aqueduc, surtout dans ce palais des Césars, que l’on déterre, les moyens de recomposer et de redresser devant ses yeux la Rome impériale. J’en visite trois ou quatre restes, et je tâche de deviner sur ces fragments.

Le Panthéon d’Agrippa est sur une place sale et baroque, où de misérables fiacres stationnent, épiant les étrangers ; des échoppes de légumes jettent leurs épluchures sur le pavé noirâtre, et des troupes de paysans en grandes guêtres, une peau de mouton sur les épaules, attendent et regardent, immobiles, les yeux brillants. Le pauvre temple lui-même a souffert tout ce que peut souffrir un édifice ; des bâtiments modernes se sont collés contre son dos et contre ses côtés : on l’a flanqué de deux clochers ridicules ; on lui a volé ses poutres et ses clous de bronze pour en faire les colonnes du baldaquin de Saint-Pierre ; longtemps des masures incrustées entre les colonnes ont obstrué son portique ; la terre l’avait tellement encombré que, pour arriver dans l’intérieur, au lieu de monter on descen-