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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/173

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dait. Encore aujourd’hui, tout réparé qu’il est, sous ses teintes noirâtres, avec ses fentes, ses mutilations et l’inscription demi-effacée de son architrave, il a l’air d’un estropié et d’un malade. En dépit de tout cela, l’entrée est grandiosement pompeuse ; les huit énormes colonnes corinthiennes du portique, les pilastres massifs, imposants, les poutres de l’entablement, les portes de bronze, annoncent une magnificence de conquérants et de dominateurs. Notre Panthéon, mis en regard, semble étriqué, et quand au bout d’un quart d’heure on est parvenu à faire abstraction des dégradations et des moisissures, quand on a séparé le temple de ses alentours modernes et vieillots, quand on imagine l’édifice blanc, éclatant, avec la nouveauté de ses marbres, avec le scintillement fauve de ses tuiles de bronze, de ses poutres de bronze, du bas-relief de bronze qui ornait son fronton, tel enfin qu’il était lorsque Agrippa, après l’établissement de la paix universelle, le dédia à tous les dieux, on se figure avec admiration le triomphe d’Auguste qui s’achevait par cette fête, la réconciliation de l’univers soumis, la splendeur de l’empire achevé, et l’on entend la mélopée solennelle des vers où Virgile célèbre la gloire de ce grand jour. « Porté par un triple triomphe dans les murs de Rome, Auguste consacrait aux dieux italiens un vœu immortel, trois cents grands temples par toute la ville. Les rues frémissaient de la joie, des jeux, des applaudissements de tout un peuple. Dans les temples, des chœurs de femmes ; dans tous, des autels ; devant les autels, des taureaux immolés jonchaient la terre. Lui-même, assis sur le seuil de marbre de l’éclatant Phœbus, passe en revue les dons des peuples et les attache aux colonnes superbes ; les nations vaincues s’avancent en