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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/177

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travasées dans l’air vide. Les cours sont pleines de débris, et les morceaux de briques, sous l’effort du temps, se sont incrustés ensemble aussi âprement que les blocs de cailloux tassés par la mer. Ailleurs les arcades intactes s’étagent les unes au-dessus des autres ; le ciel, tranché par leur courbe, luit derrière elles, et tout en haut, sur le rouge terne des briques, les chevelures verdoyantes des plantes chatoient et ondulent au milieu de l’azur.

Il y a des profondeurs suspectes où l’ombre humide traîne parmi des noirceurs étranges. Les lierres y descendent ; les fenouils, les anémones, les mauves foisonnent sur les bords ; à demi ensevelis sous des monceaux de pierres écroulées, les fûts de colonnes s’enfoncent sous un pêle-mêle d’herbes grimpantes ; le trèfle aux feuilles grasses tapisse les pentes. De petits chênes verts arrondis, des arbrisseaux verts, des milliers de giroflées se perchent sur les saillies, s’accrochent dans les creux, panachent les crêtes de leurs fleurs jaunes. Tout cela bruit au vent, et les oiseaux chantent dans le grand silence.

On distingue encore les arcades de la Pinacothèque, haute comme un dôme d’église, la grande salle ronde destinée aux bains de vapeur, les énormes hémicycles où se donnaient les spectacles. Supposez un club comme l’Athenæum à Londres, c’est-à-dire un palais à l’usage de tout le monde, celui-ci à l’usage d’un monde qui, outre les besoins de l’esprit, avait ceux du corps, qui venait non-seulement pour lire des livres et des journaux, pour contempler des œuvres d’art, pour écouter des poëtes et des philosophes, pour converser et disputer, mais encore pour nager, se frotter, transpirer,