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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/203

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contredit pas ; trop pensives, trop semblables au réel, trop brillamment peintes, elles appelleraient la passion ou l’élan ; dans cette sérénité, sous cette teinte sombre, elles s’accordent avec la paisible architecture des poses.

De tous les artistes que je connaisse, il n’y en a aucun qui lui ressemble plus que Spenser. À la première lecture, beaucoup de gens trouvent aussi Spenser compassé ou terne ; rien chez lui ne semble réel ; puis on monte avec lui dans la lumière, et ses personnages, qui ne peuvent pas exister, sont divins.



La Farnésine.


On traverse en fiacre une quantité de rues tortueuses et tristes ; on passe sur le pont San-Sisto, et l’on voit des deux côtés du fleuve un pêle-mêle de bicoques, et je ne sais quel long cloaque d’arcades suintantes ; au delà un amas de bouges ; tout cela garde encore l’aspect du moyen âge. Au bout d’un instant, vous voilà dans un palais de la renaissance, devant les Psychés de Raphaël.

Elles font la décoration d’une grande salle à manger lambrissée de marbres, dont le plafond se courbe encadré dans une guirlande de fleurs et de fruits. Au-dessus de chaque fenêtre, la guirlande s’évase pour recevoir les vigoureux corps de Jupiter, de Vénus, de Psyché, de Mercure, et l’assemblée des dieux couvre la voûte. En levant les yeux, au-dessus de la table chargée de vaisselle d’or et de poissons monstrueux, les convives apercevaient ces grands corps nus dans le bleu