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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/210

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fets. — Il parle aux yeux par les puissantes oppositions d’ombre et de lumière, par les riches draperies de la sainte et de son fiancé. — Il copie le réel de façon à faire illusion ; le petit garçon qui tient le cierge est d’une vérité saisissante, on l’a rencontré dans les rues ; les deux portefaix qui soulèvent le corps ont la vulgarité et l’énergie masculine de leur métier. — Il est dramatique ; l’attitude humble de la sainte dans le ciel est charmante et fait contraste par sa tête couronnée de roses avec la lourdeur tragique du cadavre enveloppé dans son suaire blafard. Jésus-Christ lui-même est touchant, affectueux ; ce n’est pas un simple corps comme ailleurs, et le sujet tout entier, la mort lugubre et froide mise en face de la résurrection bienheureuse et triomphante, suffit pour arrêter et troubler les passants. — La peinture ainsi comprise sort de ses limites naturelles et se rapproche de la littérature.

Sa Sibylle Persique sous son étrange et poétique coiffure est déjà toute moderne. Elle a une de ces expressions pensives, compliquées, indéfinissables qui nous plaisent tant, celle d’une âme infinie en délicatesse, toute frémissante de sensibilité nerveuse, et dont la mystérieuse séduction ne finira pas…

Présentation du Christ au temple de Fra Bartholomeo. Le contraste est frappant. L’art et, j’ose dire, la civilisation entière, ont été transformés entre ces deux maîtres. Rien de plus noble, de plus simple, de plus reposé, de plus sain que cette peinture ; on n’en est que plus frappé quand on vient de voir des combinaisons et des nouveautés du Guerchin. Il y a deux époques en Italie, celle de l’Arioste et de la Renaissance, celle du Tasse et de la Restauration catholique.