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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/209

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au pli du ventre qui dessine le bassin, à la torsion qui soulève la hanche molle du petit Jésus, et colle contre son ventre la chair enfantine de sa cuisse ? Tout cela parlait à un homme de ce temps, et ne parle point à un homme du nôtre. Ce que nos yeux voient ici sans effort, c’est la belle humeur des deux enfants, c’est la douceur et la pudeur de la Vierge, c’est le geste timide avec lequel elle touche la ceinture bleue de son petit Jésus, et tout au plus, si les yeux sont sensibles, c’est l’effet charmant de la bordure dorée de sa robe rouge.

Sans doute, la célèbre Communion de saint Jérôme par Dominiquin, que l’on voit en face, est mollasse en comparaison ; il n’est pas aussi sûr de sa main, il triche à demi ; il se dédommage par des architectures, des chappes chamarrées et lustrées, une riche ordonnance empruntée aux Vénitiens. La raison comprend que le style de Raphaël est meilleur. Pareillement elle reconnaît que Port-Royal et Racine, Lisias et Platon écrivaient mieux que nous. Mais nos sentiments n’entreraient pas dans leur moule, et nous ne pouvons pas nous dépouiller de nos sentiments.




Au musée du Capitole. La première fois j’ai passé trop vite, et j’étais trop las. Je ne t’en ai décrit qu’une seule peinture, je crois, l’Enlèvement d’Europe par Véronèse.

Le principal est un énorme tableau, Sainte Pétronille, du Guerchin ; on retire le corps de la terre, pendant que l’âme est reçue dans le ciel ; c’est une peinture composite ; l’artiste, selon l’usage des écoles qui ne sont pas primitives, a rassemblé trois ou quatre sortes d’ef-