Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/224

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des valets de bonne maison mettraient de pareils plaisants à la porte ; mais, lorsqu’on se sert de ses poings comme un charretier et de son épée comme un soudard, il est naturel qu’on ait des gaietés de charretier et de soudard.[1]

Il est naturel aussi que leurs plaisirs soient d’une espèce particulière. Ce que préfère un homme du peuple, j’entends un homme habitué aux exercices corporels et dont les sens sont rudes, ce sont les spectacles qui parlent aux yeux, surtout ceux dans lesquels il est acteur ; il a le goût des parades, et volontiers il s’y adjoint. Il laisse aux gens de salon, raffinés, aux efféminés, les curiosités de l’observation, de la conversation et de l’analyse. Il aime à voir des lutteurs, des bouffons, des saltimbanques qui font des grimaces, des féeries, des processions, des entrées de troupes, des défilés de cavalcades, d’uniformes éclatants, bariolés, extraordinaires. Aujourd’hui que le peuple à Paris va au théâtre, c’est par ces moyens que les théâtres populaires attirent les spectateurs. En cet état d’esprit, un homme est pris par les yeux. Ce qu’il souhaite regarder, ce n’est pas une intelligence pure, mais un corps vigoureux, bien habillé, bien assis sur une selle, et quand au lieu d’un il y en a cent, quand les broderies, les dorures, les panaches, la soie et le brocart des robes brillent en plein soleil parmi les fanfares, quand le triomphe et le tumulte de la fête entrent par toutes les voies dans tous ses sens, la sympathie involontaire ébranle tout son être, et s’il lui reste

  1. Cellini conte de la façon que voici ses démêlés avec une de ses maîtresses : « Je la saisis par les cheveux et je la traînai dans la chambre en la rouant de coups de pied et de poing jusqu’à ce que la fatigue m’obligeât à m’arrêter. »