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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/279

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comique est cru, licencieux, amer souvent et à la fin désespéré. On connaît ses plaisanteries au sortir de la torture, ses gaietés funèbres pendant la peste ; quand on est trop triste, il faut rire pour ne pas pleurer ; peut-être au dix-septième siècle, et en France, il eût été Molière. — Deux portraits sont attribués à Raphaël, ou appartiennent à sa manière, ceux de Barthole et de Baldus, rudes et forts gaillards ; tout l’homme est saisi sans heurt, et par le centre ; à côté de Raphaël, les autres peintres sont hors de l’équilibre, excentriques. — Le chef-d’œuvre entre tous les portraits est celui du pape Innocent X par Velasquez : sur un fauteuil rouge, devant une tenture rouge, sous une calotte rouge, au-dessus d’un manteau rouge, une figure rouge, la figure d’un pauvre niais, d’un cuistre usé : faites avec cela un tableau qu’on n’oublie plus ! Un de mes amis revenant de Madrid me disait qu’à côté des grandes peintures de Velasquez qui sont là, toutes les autres, les plus sincères, les plus splendides, semblaient mortes ou académiques.



Palais Borghèse.


Quand au tournant d’une clairière vous voyez une biche avancer la tête et écouter, le mouvement penché de son cou vous semble gracieux, et vous sentez l’ondulation souple qui, au premier bruit, va courir sous son échine et la lancer à travers les taillis. Quand devant vous un cheval qui veut sauter se ramasse sur sa croupe, vous sentez le gonflement des muscles qui le cabrent sur ses jarrets, vous vous intéressez par sympathie à cette attitude et à cet effort. Vous ne souhaitez