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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/296

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nière ; sur cent personnes, il n’y en a pas trois qui aient le loisir ou l’esprit de se faire par eux-mêmes une opinion en matière religieuse. La voie est toute faite : quatre-vingt-dix-sept la suivent ; des trois qui restent, il y en a deux et demi qui, ayant tâtonné infructueusement, rentrent fatigués dans le sentier frayé.

Sur le bel ordre régulier et l’extérieur imposant de l’institution. — Depuis le concile de Trente, la discipline ecclésiastique s’est resserrée ; sous le contre-coup de la réforme, on a pourvu à l’instruction et à la décence du clergé.

Sur la pompe et le prestige du culte et des édifices, sur les grandes œuvres opérées, missions, conversions ; sur l’antiquité de l’institution, et tout ce que M. de Chateaubriand a développé dans son beau style.

Sur l’imagination superstitieuse, plus ou moins grande selon les climats, très-forte dans les pays du Midi, terrible au moment de la mort. — Un homme à sang chaud, à conceptions colorées et passionnées, est pris par les yeux. J’en ai vu qui se croyaient raisonneurs et voltairiens : un enterrement, la vue d’une madone dans sa châsse étincelante, parmi les flamboiements des cierges et les nuages de parfums, les met hors d’eux, les jette par terre à genoux. Dans ces sortes de têtes, l’idée ne peut pas résister à l’image.

Sur l’utilité répressive. — Les gouvernements, les gens établis, propriétaires et conservateurs, y trouvent une police de surcroît, celle des choses morales.

Sur la portion de vertu qui s’y développe. — Certaines âmes y naissent nobles, ou, par délicatesse naturelle, retrouvent la poésie de la tradition mystique ; telle Eugénie de Guérin.