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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/298

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trade de bronze toute peuplée d’aimables petits anges dorés qui jouent, tout encadrée de boules d’agate, tellement ornée et enjolivée que rien ne l’égale, sauf l’échafaudage de figures, de flambeaux, de feuillages, de dorures qui montent au-dessus, entassés et emmêlés comme une garniture de cheminée royale ou comme un reposoir. Là, dans la main du Père éternel, est le célèbre globe, le plus grand morceau de lapis-lazuli que l’on connaisse ; là est la statue d’argent de saint Ignace, haute de neuf pieds. Un prêtre qui balaye le pourtour soulève les tapis pour me montrer les incrustations de marbre ; il passe sa main avec complaisance sur le luisant des agates ; il me parle avec regret des flambeaux d’or qui ont été enlevés pendant les guerres de la Révolution ; il est heureux de servir un si bel autel, et le préfère à celui du chœur, qu’il juge trop simple. Il m’engage à revenir demain, pour voir de mes yeux la statue d’argent, haute de neuf pieds ; aujourd’hui elle est dans ses enveloppes : « Toute d’argent, monsieur, et haute de neuf pieds ; il n’y a rien de pareil au monde ! » Le paysan, l’ouvrier du dix-septième siècle, se découvraient avec crainte dans la maison d’un personnage si riche. Le gentilhomme, l’élégant s’y trouvait dans son monde, parmi des meubles aussi pomponnés et aussi fastueux que les siens. En outre il y rencontrait des femmes parées et écoutait de la bonne musique.

Tout cela fait partie d’un système. Dès qu’on parcourt les pays du Midi, on s’en trouve pénétré. Je l’ai déjà vu en Belgique, dans le bon pays tranquille et docile regagné par le duc de Parme, dans l’église des jésuites d’Anvers, dans la décoration intérieure de pres-