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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/311

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parties du corps. Quelques squelettes sont complets, et l’on voit des cartilages, des portions de peau sous les bandelettes. Dans une vitrine, au-dessous de l’autel, est une momie, saint Liber ; en face est un enfant trouvé avec son père et sa mère dans les catacombes. Rien ne se perd à Rome ; voilà, toute vivante encore, la dévotion du plus noir moyen âge, celle qui régnait au onzième siècle, lorsque le roi Knut, venant en Italie, achetait pour cent talents d’or un bras de saint Augustin. Elle avait commencé avec l’invasion des barbares, elle a duré jusqu’à Luther. À partir de ce moment, avec Pie V, Paul IV, Sixte-Quint, une autre religion épurée et savante s’est établie, celle qui, par les séminaires, la discipline, la restauration des canons, a formé le prêtre tel que nous le connaissons, tel que le catholicisme noble et lettré de la France au dix-septième siècle nous l’a montré, c’est-à-dire régulier dans sa conduite, d’extérieur correct et décent, surveillé, se surveillant lui-même, sorte de préfet ou de sous-préfet moral, fonctionnaire dans une grande administration intellectuelle qui aide les gouvernements laïques et maintient l’ordre dans les esprits. La différence est énorme entre les papes guerriers, épicuriens, païens du commencement du seizième siècle, et les papes dévots, pieux, ecclésiastiques de la fin du même siècle, entre Léon X, bon vivant, grand chasseur, amateur de farces crues, entouré de bouffons, passionné pour les fables antiques, et Sixte-Quint, ancien moine franciscain, qui démolit le Septizonium de Septime-Sévère, qui transporte l’obélisque devant Saint-Pierre pour le faire chrétien[1] et veut pur-

  1. Voyez l’inscription dans laquelle il se glorifie de cette victoire sur les faux dieux.