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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/310

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arcades. Au-dessus luit gaiement le rouge pâle des tuiles. Rien de plus ; de chaque côté, pendant cent trente pas, on voit s’arrondir et s’abaisser la courbe élégante des arcs au-dessus des fûts légers, qui ne se lassent pas de répéter leur svelte colonnade. Au centre jaillit et ondoie une fontaine entre quatre cyprès de douze pieds de tour ; ils bruissent éternellement d’un murmure sonore et charmant, qui fait venir aux lèvres le vers de Théocrite :


Les cyprès qui babillent se content ton hyménée.


Leur bruissement est un vrai chant, et au-dessous d’eux, aussi doucement qu’eux, l’eau chante dans sa vasque de pierre. On ne se lasse pas de regarder ces énormes troncs grisâtres, dont la sève surabondante a de siècle en siècle crevassé l’écorce, qui tout de suite montent en un faisceau de branches, mais qui, redressant et serrant leurs rameaux, les gardent tous collés contre leurs corps. La pyramide noirâtre, d’une forte et saine couleur, remue incessamment et monte haut dans la lumière, en découpant le clair azur du ciel. La cour, plantée de laitues, d’artichauts, de fraisiers, rit dans ses verdures nouvelles, et de loin en loin, sous les arcades, on voit passer des chartreux, silencieusement, dans leurs robes blanches.

Notre brave moine, pour compléter notre plaisir, a voulu absolument nous montrer le trésor du couvent, j’entends la chapelle aux reliques. C’est une sorte de crypte où l’on allume de petites torches de cire, dont on porte le bout enflammé jusque sur les vitrines. Au premier coup d’œil, on se croit dans un muséum : toutes les pièces sont étiquetées, et il y en a de toutes les