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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/321

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geoises de keepsake, qui veulent avoir de l’âme. Mais les deux chapelles sont des salons, l’une pour les falbalas, l’autre pour les crinolines. En manière de contraste et de complément, on nous montre le grand autel, où sont les têtes de saint Pierre et de saint Paul. « Sur cet autel même, nous dit un jeune prêtre, saint Pierre disait la messe. » Tout à l’heure, en passant, je suis entré à Santa-Pudentiana, et j’ai vu la margelle d’un puits où la sainte recueillit le sang de plus de trois mille martyrs.

À côté de Saint-Jean-de-Latran est une chapelle avec trois escaliers. L’un d’eux vient du palais de Pilate ; on l’a recouvert de bois, et les dévots le montent sur leurs genoux : je viens de les voir, trébuchant, cahotés et grimpant ; ils mettent une demi-heure à se bisser ainsi jusqu’au haut, s’accrochant des mains aux marches et aux murailles pour mieux s’imprégner de la sainteté du lieu, li faut voir leur sérieux, leurs grands yeux fixes. Un paysan surtout, en veste et en pantalon bleus déchirés, avec de gros souliers à clous, aussi inculte et lourd que ses bestiaux, cognait de ses genoux le buis retentissant, et, quand le marbre devenait visible, baisait et rebaisait la place. Au sommet est une image sous une grille entre des cierges, et l’on baise incessamment la grille. Une pancarte affichée porte une prière de vingt mots à peu près : quiconque récitera la prière gagnera une indulgence de cent jours. La pancarte invite les fidèles à apprendre la prière par cœur, afin de la réciter le plus souvent possible et d’augmenter ainsi leur provision d’indulgences. On se croirait en pays bouddhique : des dorures pour les gens du monde, des reliques pour les gens du peuple ; c’est bien ainsi