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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/332

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me nomme n’a pu obtenir d’aller à Paris. — « Allez-y, si vous voulez, mais vous ne rentrerez pas. » — On craint qu’ils n’en rapportent des maximes libérales.

Les médecins, au dire des étrangers, sont des donneurs de lavements, et les avocats des praticiens de chicane. Tous sont confinés dans leur spécialité. La police, qui laisse faire ce que l’on veut, ne souffre pas qu’on s’occupe d’aucune des sciences qui avoisinent la religion ou la politique. Un homme qui étudie et lit beaucoup, même chez lui et portes closes, tombe sous sa surveillance. On le tracasse, on l’assiège de visites domiciliaires pour saisir des livres défendus ; on l’accuse d’avoir des gravures obscènes. Il est soumis au precetto, c’est-à-dire à l’obligation de rentrer chez lui à l’Ave Maria et de n’en pas sortir après le soleil couché ; s’il y manque une fois, on l’enferme ; un diplomate étranger me nomme un de ses amis à qui la chose est arrivée. — On cite à Rome un astronome et un ou deux antiquaires ; mais en somme les savants y sont méprisés ou inquiétés. Si quelqu’un est érudit, il le cache ou demande excuse pour sa science, la représente comme une manie. L’ignorance est bien venue, elle rend docile.

Quant aux professeurs, les premiers, ceux de l’université, ont trois cents ou quatre cents écus par an et font cinq leçons par semaine : ceci montre la haute estime qu’on fait de la science. Pour vivre, les uns se font médecins, architectes, les autres employés, bibliothécaires ; plusieurs, qui sont prêtres, ont l’argent de leurs messes, et tous vivent plus que sobrement. J’ai compté dans l’almanach quarante-sept chaires ; il y a cinq cents élèves à l’université, environ dix élèves par chaire. Le