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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/348

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mais son neveu est chanoine, et le gouverneur du district vous fait demander un nouveau répit pour le pauvre homme. Un an se passe, vous envoyez l’huissier ; l’huissier s’arrête, apprenant à la porte qu’un cardinal s’intéresse à l’affaire. Vous rencontrez le cardinal dans le monde ; il vous prie de la part du pape d’user de miséricorde envers un honnête homme qui n’a jamais manqué au devoir pascal et dont le neveu marque par ses vertus dans la daterie.

En général le procédé est celui-ci : le locataire ou le paysan qu’on assigne demande et obtient plusieurs fois de suite remise à quinzaine. — Il attrape ainsi les ferie, les jours de fête de Noël, du carnaval, de Pâques, de la Saint-Pierre, de l’automne : il y en a qui durent deux mois ; à cause de la sainteté du moment, il réclame alors un délai plus long : le juge lui accorde quatre mois. — Cela fait, il va en appel, et gagne encore ainsi beaucoup de temps. — Puis il s’adresse à l’uditore santissimo, magistrat qui prend le mot du pape, toujours très-tendre pour les petits et les pauvres. Nouveau répit. — Il allègue alors que sa femme est grosse et proche de son terme. Défense de lui envoyer les huissiers ; vous devez attendre quarante jours après l’accouchement. — Les quarante jours vont expirer ; il sous-loue la maison à quelque ami insolvable, à condition de rester chez lui comme hôte. — Vous voilà forcé de commencer contre ce prête-nom une procédure toute nouvelle, et si par hasard il est tonsuré, vous êtes obligé d’aller au tribunal du cardinal-vicaire. — Votre plus court parti est de payer tous les frais, de renoncer à votre loyer et d’offrir une petite somme à votre débiteur pour qu’il déguerpisse et aille recommencer ailleurs.