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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/349

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Un noble italien que je connais possède plusieurs maisons à Rome. L’une de ces maisons a devant elle, de l’autre côté de la rue, un jardin qui dépend d’un couvent de religieuses ; la supérieure remarque que du troisième étage on peut apercevoir un coin du jardin. Commandement au propriétaire, de la part du cardinal-vicaire, de boucher à ses frais, avec des planches, les fenêtres exposées à être coupables. Je citerais quantité de vexations semblables ; c’est à dégoûter d’être propriétaire…

L’homme a besoin d’une occupation forte qui l’emploie et d’une justice exacte qui le contienne : il est comme l’eau, il lui faut une pente et une digue ; sinon, le fleuve limpide, utile, agissant, devient un marécage stagnant et fétide. Ici la répression ecclésiastique barre la voie an fleuve, et le régime du bon plaisir perce incessamment la digue ; le marécage s’est fait, et on vient d’en voir le détail. Si l’on trouve tant de vilenies et de misères, c’est que l’action libre manque, et aussi la justice exacte. Mes amis m’avertissent de ne point juger cette nation sur son état présent : le fond vaut mieux que l’apparence ; il faut distinguer ce qu’elle est de ce qu’elle peut être. Selon eux, la force et l’esprit y abondent, et pour m’en convaincre ils vont demain me conduire dans la campagne et dans les faubourgs. Il faut les voir, disent-ils, avant de raisonner sur le peuple.


21 mars. La campagne.


Nous sommes sortis par la porte del Popolo, et nous avons suivi un long faubourg poudreux ; là aussi il y a