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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/366

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tionne sur ce Francesco. Elle sourit, rougit imperceptiblement ; sa figure s’illumine, elle semble être dans le ciel ; on ne peut rien voir de plus charmant et de plus gracieux que ce spirituel visage italien éclairé par un sentiment si abandonné, si puissant et si pur. Elle a son beau costume romain, et sa tête est encadrée par son couvre-tête rouge des dimanches. Que de ressources, quelle finesse, quelle force et quel élan dans une pareille âme ! Quel contraste, si l’on songe aux figures ahuries de nos paysannes ou aux minois délurés de nos grisettes !

Ici je touche le point délicat ; nous voulons le toucher, car nous ne sommes pas des orateurs décidés d’avance à trouver des arguments politiques, mais des naturalistes libres de préoccupation et d’engagement, occupés à observer les bâtiments, et les sentiments des hommes comme nous ferions des instincts, des constructions et des mœurs des abeilles ou des fourmis. — Sont-ils Italiens ou papalins ? — Selon mes amis, toute réponse précise est difficile ; ces gens-ci sont trop ignorants, trop collés au sol, trop enfoncés dans leurs haines et dans leurs intérêts de village pour avoir un avis sur de telles questions. Néanmoins on peut supposer qu’ils sont gouvernés en ceci, comme dans les autres choses, par leur imagination et leurs habitudes. À son dernier voyage, le pape a été acclamé ; on s’étouffait autour de sa voiture ; il est vieux, sa figure est bienveillante et belle, il produit sur ces âmes incultes et ardentes le même effet qu’une statue de saint : sa personne, ses habits leur semblent pleins de pardons ; ils veulent le toucher, comme ils font pour la statue de saint Pierre. D’ailleurs le gouvernement ne pèse pas sur eux, du moins visi-