Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/367

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blement ; toutes les rigueurs sont pour les classes intelligentes ; l’adversaire est l’homme qui lit ou qui a été à l’Université ; on épargne les autres. Sans doute un paysan peut être mis en prison pendant huit jours pour avoir fait gras un jour maigre ; mais, comme il est superstitieux, il n’a pas envie de manquer aux rites. Sans doute encore il est obligé d’avoir son billet de confession ; mais il n’a pas de répugnance à conter de nouveau vivement et violemment ses affaires dans une boîte de bois noir ; d’ailleurs à la ville il y a des gens qui font métier de se confesser et de communier : ils se procurent ainsi des billets qu’ils vendent deux pauls. En outre l’impôt direct est léger, les droits féodaux ont été abolis par le cardinal Consalvi ; il n’y a pas de conscription ; la police, fort négligente, tolère les petites contraventions, le laisser-aller des rues. Si on donne un coup de couteau à son ennemi, on est vite gracié, et l’on n’a point à craindre l’échafaud, chose irrémédiable, horrible pour des imaginations méridionales. Enfin toute l’année la chasse est permise, le port d’armes ne coûte presque rien ; nulle terre n’est réservée, sauf celles qui sont enceintes de murs. Il est bien commode de faire ce que l’on veut à la seule condition de ne pas raisonner sur la chose politique, dont on ne se soucie pas et à laquelle on n’entend rien. Aussi, depuis l’entrée des Piémontais, trouve-t-on beaucoup de mécontents parmi les paysans de la Romagne ; la conscription leur semble dure, l’impôt est plus lourd ; ils sont gênés par quantité de règlements : par exemple, on leur défend de sécher leur linge dans les rues, on les assujettit à la police exacte et aux charges des pays d’outre-monts. La vie moderne exige un travail assidu,