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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/381

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meurtrie pendant plusieurs jours. — J’en passe, et d’aussi étranges. Ce sont de pareils récits qui nourrissent ici l’esprit des femmes, même des grandes dames ; on leur conte que lorsque sainte Thérèse, interrompant une lettre, s’en allait dans le jardin, Jésus Christ venait achever la lettre. Les maris ont reçu une éducation semblable, et jamais l’empreinte enfoncée par l’éducation ne s’efface ; j’en ai vu de très-cultivés qui ne trouvaient rien à reprendre dans ces récits ni dans ces petits livres. D’ailleurs beaucoup d’esprits qui semblent affranchis suivent la foule. On s’en étonne ; ils répondent d’abord : « Nous y sommes forcés. » Après un peu d’intimité ils ajoutent « Cela ne fait pas de mal, et cela peut faire du bien ; au cas où les prêtres diraient vrai, il faut se précautionner. » Hier, un de nos amis, apprenant qu’une femme de la société vient de partir pour visiter une madone qui remue les yeux, laisse échapper un sourire. Un jeune officier qui est là prend l’air sérieux, lui dit qu’il a fait ce voyage avec huit de ses amis, et qu’ils ont vu effectivement la madone remuer les yeux. — Sur ce chemin, on peut aller loin. La comtesse N…, qui a deux enfants, a mis l’un sous la protection de Notre-Dame de Spolète, l’autre sous celle de Notre-Dame de Vivalcaro ; à ses yeux ce sont deux personnes différentes : pour ces imaginations véhémentes et positives, la statue est non pas une représentation, mais une déesse vivante. À la fin, ayant plus de confiance en Notre-Dame de Vivalcaro, elle a mis ses deux enfants sous sa protection unique.

D’après cela tu t’imagines quelle peut être la religion des gens du peuple. Un cocher qu’emploie un de mes amis est emporté par ses chevaux à la descente du Pin-