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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/54

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vilaine époque, l’extinction du vrai sentiment, l’enflure d’un art qui se travaille et qui s’use, les pernicieux effets d’une civilisation gâtée et d’une domination étrangère. Et pourtant, dans cette décadence, il y a toujours quelque morceau qui se sent de l’ancien et puissant génie : à San-Gennaro par exemple, de vigoureux corps peints par Vasari au-dessus des portes, des plafonds de Santa-Fede et de Forti, des groupes amples, des personnages de fière tournure et bien lancés, des tombeaux, une grande nef où s’allongent en file des médaillons d’archevêques, et dont la haute courbe monumentale, le fond doré en coquille s’étalent avec la majesté d’une décoration.



Au couvent de San-Martino.


Nous montons par des ruelles sales et populeuses ; je ne puis m’habituer à ces déguenillés qui remuent les bras et bavardent. Les femmes ne sont point jolies ; le visage est d’un ton terreux, même chez les jeunes filles ; le nez épaté gâte la figure : le tout n’est qu’un minois éveillé, parfois piquant, assez voisin des visages chiffonnés du dix-huitième siècle, mais à cent lieues de la beauté grecque qu’on lui attribue.

Nous montons, nous montons encore, nous montons toujours. Cela ne finit pas : escaliers sur escaliers, et toujours des guenilles et du linge pendu aux cordes, puis encore des ruelles, des ânes chargés qui assurent leur pied sur la pente glissante, des ruisseaux fangeux qui dégringolent misérablement entre les cailloux, des gamins en guenilles qui demandent l’aumône, des mé-