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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/59

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d’or, avec la magnificence des chapiteaux et des colonnes. Cette décoration n’est pas froidement et platement jésuitique. Le souffle du grand siècle précédent remue encore toute la machine ; c’est de l’Euripide, si ce n’est plus du Sophocle. Quelques pièces sont splendides, entre autres une Déposition de croix de Ribera. Le soleil donnait sur la tête du Christ à travers le rideau de soie rouge entre-bâillé. Les fonds noirâtres semblaient plus lugubres à côté de cet éclair subit des chairs lumineuses, et la douloureuse couleur espagnole, les teintes mystiques ou violentes des figures passionnées dans l’ombre donnaient à toute la scène l’aspect d’une apparition, comme il s’en faisait autrefois dans le cerveau monacal et chevaleresque d’un Calderon ou d’un Lope.



Course à Pouzzoles et à Baïa.


Au bout du souterrain du Pausilippe commence la campagne, sorte de verger plein de hautes vignes, chacune mariée à son arbre. Au-dessous brillent la rosace élégante des lupins verts et je ne sais quelle crucifère jaune. Tout cela dort dans la brume tiède comme une parure dans sa gaze.

Au tournant de la route, la mer paraît, et le chemin la suit jusqu’à Pouzzoles. La matinée est grise et des nuées moites nagent lentement sur l’horizon terni. La brume ne s’évapore pas ; seulement de loin en loin elle s’amincit, et laisse arriver une pâle ondée de soleil, comme un imperceptible sourire. Cependant la mer avance ses longues nappes blanches et tranquilles sur