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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/65

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contre les tremblements de terre et contre la pluie de cendre que lancera le Vésuve. Au delà la mer se brise en grosses lames qui se courbent et retombent comme une écluse. Tout cela est bizarre et charmant ; sur cette terre pleine de cendres et fertile, les cultures s’allongent jusqu’au rivage et font un jardin ; une simple haie de roseaux les défend contre le vent de la mer ; les figuiers d’Afrique, avec leurs raquettes lourdes, grimpent aux pentes ; la verdure commence à courir sur les rameaux ; les abricotiers sourient sous leurs petites fleurs roses ; les hommes demi-nus travaillent sans effort dans le sol friable ; quelques jardins carrés ont des colonnes, et au milieu une petite statue de marbre blanc. Partout des traces de la joie et de la beauté antiques. Comment s’en étonner, quand on se sent accompagné de ce divin soleil printanier, de ce ruissellement d’or et de flamme liquide qu’on retrouve toujours à sa droite dès qu’on jette les yeux sur la mer ?

Comme on oublie aisément ici toutes les choses laides ! Il me semble qu’à Castellamare j’ai vu en passant de vilains bâtiments modernes, une gare de chemin de fer, des hôtels, un corps de garde, une quantité de voitures boiteuses qui se pressaient pour recueillir les étrangers. Tout cela s’est effacé, il n’en reste plus que le souvenir des porches sombres à travers lesquels en entrevoyait des cours éclairées pleines d’orangers luisants et de jeunes verdures, des esplanades où jouaient des enfants, où séchaient des filets, où de bienheureux oisifs humaient l’air et regardaient les sauts capricieux, les enroulements des vagues.

À partir de Castellamare, la route est une corniche qui serpente au bord de la mer. De grandes roches