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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/85

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Sans doute, et selon l’instinct superstitieux des gens du Midi, ils imploraient les images, comme aujourd’hui leurs descendants implorent les saints. Ils priaient leur Diane, leur Apollon guérisseur ; ils brûlaient devant eux de l’encens, ils leur faisaient des libations, comme on apporte aujourd’hui devant la madone et devant saint Janvier des ex-voto et des cierges. Comme aujourd’hui, ils avaient leurs statuettes sacrées dans l’intérieur des maisons, dans les petits oratoires particuliers : ils répétaient dans leurs statues des attitudes et des attributs consacrés, une Vénus Anadyomène, un Bacchus au repos, comme au seizième siècle on répétait dans les tableaux sainte Catherine sur la roue, saint Paul tenant son épée ; mais l’effet était tout autre, comme le spectacle était tout autre. Dans le coup d’œil jeté en passant, au lieu d’être frappé par une figure osseuse, par un cœur sanglant, ils sentaient une belle épaule ronde, un dos cambré d’athlète, une puissante poitrine de guerrier, et c’était sur ces images accumulées depuis l’enfance que l’esprit travaillait et se forgeait le modèle de l’homme. Tout cela disait : « Voilà comme tu dois être, comme tu dois te draper ; tâche d’avoir ces muscles qui jouent aisément, cette chair ferme et saine. Baigne-toi, va à la palestre, sois fort en toute occurrence pour le service de ta ville et de tes amis, » Aujourd’hui les œuvres d’art ne peuvent plus nous dire rien de semblable ; nous ne sommes ni nus ni citoyens ; ce qui nous parle, c’est Faust et Werther, ou plutôt encore tel roman parisien d’hier et les Lieder de Heine.

Il faut pourtant citer quelques œuvres, sans quoi on reste dans le vague. Voici cinq ou six morceaux célèbres :