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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/94

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liberté fait son effet. L’armée surtout est une école d’union, d’instruction et d’honneur. On enseigne aux soldats à lire et à écrire ; ils entendent parler de Garibaldi, de Victor-Emmanuel, de la patrie. Les familles ne se désolent plus, comme autrefois, lorsqu’on prend leurs enfants. Il y a dans les rangs des hommes de toute classe ; des fils de paysans marchent côte à côte avec des fils de médecins, d’avocats. Le remplacement militaire est difficile ; on exige un homme sachant lire, écrire, compter, si l’autre sait lire, écrire, compter ; tel fils de noble n’a pu en trouver un, et a dû partir en personne. — Ils n’attendent qu’une grande guerre, comme celle de 92, pour souder toutes ces diversités par la confraternité d’armes. » Vous êtes une grande nation, ajoutent-ils, vous êtes sortis d’esclavage, vous ne souffrez plus les cent mille infamies et misères du régime des Bourbons. Comprenez donc que nous aussi nous avons besoin de faire notre révolution. »

Conversation en chemin de fer avec un homme de trente ans, commissionnaire en cotons. Il court les environs et achète les récoltes pour les revendre aux Anglais ; la campagne qui entoure le Vésuve est maintenant plantée de cotonniers. Selon lui, depuis trois ans, on a fait de ce côté-là des progrès étonnants. Sous les Bourbons, impossible de rien faire, même de vendre et d’acheter. Point de commerce ; ils n’aimaient pas le contact des étrangers, ils décourageaient l’entrée et la sortie des marchandises. À présent qu’on est libre, tout est changé. Le paysan, sûr de gagner de l’argent, plante et travaille, même en été. À midi, il se repose, la chaleur est trop terrible ; mais le soir, le matin, aux heures supportables, il va à son champ. Sous les Bourbons, on