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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/108

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irréversiblement le fleuve d’idées qui va de la démocratie à la dictature. Au point de vue esthétique, les changements de goûts, de styles, de manières artistiques ou littéraires, sont réversibles ; on voit, par exemple, la mode des rimes riches succéder à celle des rimes pauvres et, inversement, la faveur se porter vers tel musicien après tel autre, vers tel peintre après tel autre, puis revenir au premier peintre ou au premier musicien ; mais, à travers ces variations alternatives, la série des beaux nouveaux successivement apparus, des révélations magistrales, forme un courant qui ne remonte jamais à sa source, malgré le phénomène fréquent des apparentes renaissances et l’illusoire prétention d’ultra-raffinés à se métamorphoser en néo-primitifs.

— En considérant ailleurs les diverses catégories de phénomènes sous leur aspect Répétition, je suis arrivé à une distinction qui n’est pas sans rapport avec celle que vient de me présenter leur aspect Opposition. J’ai dit que tout se répète (par ondulation, par hérédité, par imitation, ou par les trois procédés à la fois), excepté, précisément, ce qui donne à ces répétitions leur prix et leur raison profonde, le pittoresque unique de tout paysage, la physionomie unique de tout visage, l’instantané irresaisissable de toute chose, et excepté aussi ce qu’il y a de plus important, la série même de ces inventions successives de la physique, de la vie ou de l’esprit humain, qui séparément se répètent. Et c’est ce qu’oublient ou méconnaissent les philosophes qui, par leurs formules d’évolution unilinéaire et obligatoire imposées à ces séries, dans le monde social particulièrement, les condamnent à se reproduire indéfiniment toutes pareilles. Il n’y aurait pas de sociologie