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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/109

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possible, suivant les sociologues de cette école, s’il n’en était ainsi, c’est-à-dire si, en tout pays, indépendamment de tout emprunt, une mystérieuse nécessité ne contraignait l’évolution linguistique, l’évolution religieuse, l’évolution politique, etc., à couler dans le même lit. — Maintenant je dis que tout s’oppose, alterne et revient sur soi, sauf la suite même de ces tourbillons, qui est un courant, et la série des changements intérieurs dont ils sont la surface. Et c’est ce qu’oublient aussi les mêmes théoriciens, qui conçoivent, en tout ordre de faits, la dissolution comme l’inverse et le décalque de l’évolution, qui parlent à chaque page de régression et de progression comme de transformations précisément semblables et contraires.

Encore un mot à ce sujet. Même quand il y a rythme, la similitude des deux changements inverses est rarement parfaite ; il y a inégalité le plus souvent. Il est rare qu’une vague de la mer s’élève et s’abaisse avec une exacte symétrie ; presque toujours elle est escarpée et écumante d’un côté, mollement inclinée de l’autre. Il est rare qu’une montagne ou une colline ait deux versants égaux et semblables ; le plus souvent l’un est plus rapide et plus abrupt que l’autre. Du Nord au Sud, le continent américain a pour épine dorsale les Andes ou les Cordillères qui, vers le Pacifique, se précipitent rapidement, et, de ce côté, ne laissent qu’une marge étroite, médiocrement fertile, à la culture, tandis que, vers l’Atlantique, elles descendent avec une majestueuse et féconde lenteur, en plaines immenses arrosées des plus beaux fleuves de la terre. Si nous pouvions voir de près, individuellement, les ondulations lumineuses ou moléculaires, peut-être donneraient-