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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/113

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est-elle fondée sur l’idée de valeur et non sur celle de vileté ? Peu importe au fond, sans doute, que le terme exprimant une augmentation ou le terme exprimant une diminution soit choisi pour embrasser les deux et les fondre en une même échelle de degrés. Mais il est d’autant plus étonnant que le premier toujours et jamais le second ait eu le privilège de ce choix. Cela ne tient-il pas à ce que, dans notre univers, comme je le disais tout à l’heure, la période de fécondité et d’importance correspond à la montée et au matin de la vie ? Il n’en serait certainement pas de même si les fruits savoureux de la vie, ses biens les plus chers, mûrissaient dans l’après-midi de la vie, et, comme il arrive pour le cycle de l’année, à son automne.

Il y a quelques exceptions apparentes, mais plutôt transitoires, à la règle que je viens d’indiquer. Les antithèses du bien et du mal, du beau et du laid, du vrai et du faux, semblent avoir échappé à cette sorte de loi. Cependant, si l’on n’est point unanimement arrivé à regarder le mal comme un moindre bien, la laideur comme une espèce amoindrie de beauté, l’erreur comme une vérité d’un degré inférieur, beaucoup de philosophes ont essayé des réductions de ce genre, et tout le monde y tend plus ou moins. Infiniment rares sont les esprits qui conçoivent, à l’inverse, le bien comme un moindre mal, le beau comme une laideur moindre, le vrai comme une erreur moindre. C’est ainsi qu’en physique on a bien pu imaginer récemment des rayons obscurs, une « lumière obscure », mais personne n’a eu l’idée de concevoir une obscurité lumineuse.

Je n’en finirais plus si, après avoir parlé, bien sommairement,