Aller au contenu

Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/114

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

des oppositions réelles que présente le monde physique, j’entreprenais l’énumération de toutes les oppositions imaginaires qu’on lui a prêtées. La docte fantaisie des savants et des philosophes s’est déployée là en un luxe d’antithèses auprès desquelles celles d’Hugo ne comptent pas[1]. Au moment où l’on pouvait croire cette fureur apaisée, la découverte des merveilleux phénomènes de l’électricité, où tant d’oppositions symétriques et rythmiques nouvelles se sont montrées à nous, est venue la raviver. Mais je passerai la discussion facile des oppositions superficielles de cet ordre, que nous présentent, par exemple, l’induction électrique et le téléphone, où tout est inverse, le courant induit et le courant inducteur, l’appareil parleur et l’appareil auditeur. Laissons cela. À quel point faut-il que le penchant de l’imagination scientifique aux conceptions symétriques soit irrésistible pour que

  1. Dans une étude de M. Weill sur les Penseurs grecs (Journal des savants, février 1896), je lis ce résumé succinct des conceptions cosraologiques propres aux premiers philosophes de la Grèce : « Le cercle est la loi qui préside à la transformation incessante des éléments et des êtres. La terre, c’est-à-dire le solide, se liquéfie, le liquide s’évapore, la vapeur se condense, le liquide redevient solide : ce sont les deux voies d*Héraclite, celle qui tend en haut et celle qui descend, et qui ne sont qu’une seule et même voie. — L’animal se nourrit de la plante, il meurt, et, en se décomposant, il sert à son tour d’aliment à la plante. La vie circule comme les saisons de l’année. D’après ces analogies, Heraclite, Empédocle, d’autres encore, conçurent les grands cycles cosmiques, au retour desquels les mêmes évolutions se renouvellent sans cesse. » —.Mais ici, on le voit, les oppositions vraies se mêlent aux oppositions imaginaires. Il ne s’agit, au surplus, que d’inversions circulaires, de mouvements rythmiques, et l’Opposition se montre clairement ce qu’elle est toujours, comme nous le verrons de mieux en mieux, une simple espèce singulière de la Répétition, — qui elle-même n’est qu’une condition de la Variation. Aristote nous apprend, dans sa Métaphysique, que, d’après les pythagoriciens, le système solaire comprenait, outre les neuf corps célestes connus de leur temps, un dixième astre précisément opposé à la Terre et nommé par eux Antichthon.