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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/172

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symétrie dont il s’agit, celle où s’élève au plus haut point de ses sublimations la nature chimique, c’est que la molécule droite n’est point superposable à la molécule gauche et ne lui ressemble qu’inversement, tandis que les deux moitiés d’un cristal dérivant du cube ou du prisme hexagonal sont superposables. Or cette propriété de n’être point superposables appartient aussi aux deux moitiés gauche et droite du corps humain, de tout animal supérieur, de la fleur même des végétaux les plus élevés, labiées ou orchidées, de la façade d’un temple grec, et distingue la symétrie qui leur est propre de celle des rayonnes ou des végétaux inférieurs, ou d’une hutte de sauvages et d’une tente de nomades. Ainsi la matière se dissymétrise pour se sublimer et monter à la vie.

Mais la vie, elle aussi, est-ce qu’elle ne se dissymétrise pas pour monter plus haut, jusqu’à l’esprit social ? Ne savons-nous pas que les fonctions psychiques du cerveau, à mesure qu’elles se compliquent et s’élèvent, vont se dissymétrisant, comme le prouve la localisation de la faculté du langage d’un seul hémisphère cérébral et la supériorité de plus en plus accentuée de la main droite sur la gauche ? Autrement dit, pour passer d’une espèce de symétrie à l’espèce supérieure, une phase de dissymétrie est nécessaire. En cela l’opposition nous met sous les yeux un phénomène analogue à celui que la répétition nous a présenté ailleurs[1]. Il en est de la symétrie des formes comme de la similitude des faits : un peu de complication l’altère ou la détruit, un peu plus de complication la rétablit. La répétition-ondulation

  1. Voir nos Lois de l’imitation, premier chapitre.