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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/24

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actions. De tout temps, soit sous la forme de symétrie opiniâtrement recherchée, soit sous la forme de guerre et de combat, l’idée mal débrouillée d’opposition a exercé un déplorable empire sur les esprits. La fascination de la guerre surtout a été fatale. Il n’est pas de plus grand ennemi de l’esprit de sociabilité que l’esprit de parti, qui cependant en procède ; et, de fait, n’est-ce pas parce qu’il en procède, n’est-ce pas parce qu’il faut d’abord être membres d’une même société pour pouvoir se diviser ensuite en partis, que la division des peuples en partis est un mal non sans mélange de quelque bien ? À l’esprit de parti, si enraciné dans le cœur de l’homme, se rattache ce besoin de fausse originalité qui possède la grande masse de nos contemporains et explique leur indiscipline, déguisement de leur routine ; je veux dire ce penchant à se croire original parce qu’on a pris le contre-pied de l’opinion commune, ou de l’exemple commun. C’est là une manière d’imiter encore, et non la moins répandue dans les sociétés orgueilleuses, où l’on se pique souvent de ne pas copier le père, le voisin ou le supérieur, même en ce qu’il a de mieux, mais où, en niant précisément ce qu’il affirme, en blâmant précisément ce qu’il loue, en démolissant précisément ce qu’il construit, on se persuade ne point le copier.

La vérité est que l’opposition, cette contre-répétition, cette répétition renversée, n’est, comme la répétition elle-même, qu’un instrument et une condition de la vie universelle, mais que le véritable agent de transformation est quelque chose à la fois de plus vague et de plus profond qui se mêle à tout le reste, imprime un cachet individuel à tout objet réel, différencie le similaire, et s’appelle la variation. Ne préjugeons