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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/25

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point cependant ces conclusions qui se dégageront de l’ensemble de cette étude ; et, avant tout, cherchons d’abord à préciser l’origine et la nature de la notion qui nous occupe, à circonscrire son domaine propre, puis nous passerons en revue ses incarnations multicolores aux divers étages de la réalité, et nous tâcherons de montrer enfin sa portée véritable.


II


Il est probable que le souvenir des luttes à main armée, bien plus que la vue des objets symétriquement inverses, a éveillé d’abord dans l’esprit humain la notion des contraires ; et c’est encore en songeant confusément à ses petits combats singuliers avec ses camarades que l’enfant conçoit cette idée. Pour lui, il n’y a rien de plus contraire au monde que les Troyens et les Grecs, les Carthaginois et les Romains, ou deux trains lancés à toute vapeur l’un contre l’autre sur la même voie. Il se forme ainsi en nous, de très bonne heure, des couples d’ennemis irréconciliables, historiques ou mythiques (chrétiens et turcs, anges et démons). Ce sont nos premières liaisons mentales. Puis, nous remarquons que deux personnes qui s’embrassent ne se font pas moins vis-à-vis que deux personnes qui se battent, et l’amour mutuel, comme la haine réciproque, devient un lien fréquent d’images corrélatives. Nisus fait penser à Euryale aussi bien qu’Achille à Hector. Et, en même temps, nous constatons que ces deux couples sont l’un à l’autre opposés. Pourquoi opposés ? Pour une raison très distincte des deux précédentes : à cause d’un genre de