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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/26

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confrontation qui, non moins vivement que celle de deux adversaires ou de deux amis, s’offre d’elle-même à la pensée ; je veux dire le contraste du plaisir et de la douleur, qu’on ne voit jamais, il est vrai, batailler l’un contre l’autre et encore moins s’embrasser, mais dont l’un fait nécessairement penser à l’autre, aussi bien que Carthage à Rome. De ces deux antipodes intimes du plaisir et de la peine, — antipodes en un sens très différent de celui des antipodes terrestres, mais en un sens non moins réel et dont la similitude avec l’autre est aussi difficile à nier qu’à définir, — de ces deux termes en parfait contraste psychologique découlent au fond les dualités de l’amour et de la haine, du bien et du mal, du pur et de l’impur, du doux et de l’amer, du poli et du rude, de l’accord musical et de la dissonance, etc.

Qu’est-ce donc qu’il y a de commun, et y a-t-il quelque chose de commun, entre les oppositions du concave et de convexe, du haut et du bas, d’hier et de demain, de joie et de chagrin, d’affirmation et de négation, de désir et de répulsion ? Ni dans les écrits des philosophes, malheureusement, ni dans les conversations courantes, nous ne découvrirons d’éclaircissements à cet égard. Essayons cependant de serrer d’un peu près cette confusion d’idées. Tantôt, parmi les savants comme dans le monde, on oppose deux termes qui forment ensemble un tout apparent ou réel, et dont l’un, par suite, complète, équilibre ou détermine l’autre, — par exemple le moi et le non-moi, l’organique et l’inorganique, le plein et le vide, la lumière et les ténèbres, le mouvement et le repos, les deux moitiés d’un cercle, l’âme et le corps, l’acide et la base, le cheval et son cavalier ; tantôt, dans un tout, on ne