Aller au contenu

Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/33

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

y efforçons. Si, malgré son inachèvement essentiel et son imprécision, l’antithèse du plaisir et de la douleur s’impose au bon sens et à la science ; si tout le monde sent, par exemple, qu’il y a une réelle opposition entre les plaisirs et les peines du goût et de l’odorat, quoique personne ne puisse dire si c’est la saveur acide ou amère ou astringente qui est précisément l’opposé de la saveur sucrée, ou quelle est précisément l’espèce d’infection qui est l’opposé du parfum de la rose ou de l’œillet ; cela tient à l’hybridité de la notion du plaisir et de la douleur. Sous son aspect-désir, le plaisir s’oppose réellement à quelque chose de nettement déterminable, mais non sous son aspect-sensation.

Reste l’objection tirée de l’opposition des signes mathématiques. Mais on sait qu’ils expriment des opérations faites sur les nombres ou les quantités, et non un caractère propre aux quantités et aux nombres ; la soustraction s’oppose à l’addition, la multiplication à la division. L’augmentation d’une grandeur s’oppose à sa diminution ; de là le signe plus grand opposé au signe moins grand. La considération des mouvements inverses à partir d’un point fixe, ou celle des désirs contraires du cœur humain, des droits et des devoirs humains opposés, comme quand il s’agit de problèmes roulant sur le chiffre de l’actif ou du passif d’un négociant, est ce qui seul autorise et justifie en algèbre l’emploi des quantités négatives.

Il ne me paraît donc pas douteux que la source unique de toutes les oppositions phénoménales est la possibilité d’une neutralisation réciproque d’actions semblables. Si l’on est fondé à opposer, comme je le ferai souvent, deux états ou