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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/351

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elle, de lui refuser tout élément psychologique, et de la vider de toute substance pour rehausser son originalité. je n’ai pas eu à poursuivre cette pierre philosophale, la « chose sociale toute pure », pure et purgée, par hypothèse, de toute réalité individuelle. Il m’a suffi de voir qu’avec de l’individuel, avec du mental, les hommes rassemblés font du social, en vertu de leur sympathie animale et pré-sociale, et que la chose sociale est distincte des choses psychologiques, précisément parce qu’elle en est composée, parce qu’elle en est la synthèse non factice, l’union vraie, le nombre objectif et (ce que je n’ai pas encore montré) l’agrégat logique. Mais revenons.

Donc, il existerait ou pourrait exister des quantités sociales alors même qu’il n’en existerait pas de psychologiques ; et, de fait, avec la diffusion imitative de certaines prédilections esthétiques de l’oreille ou des yeux, les grands artistes créent des forces sociales tout aussi dignes du nom de forces, tout aussi capables de croître et de décroître avec régularité, que les énergies d’un être vivant. Mais il n’en est pas moins vrai que ce que les phénomènes psychologiques ont de quantitatif est de beaucoup ce qu’ils ont de plus aisément et rapidement communicable d’esprit à esprit, de plus reconnaissable comme identique chez tous les esprits, de plus propre à s’unir en unions logiques fécondes, fécondes en produits, appelés idées et besoins, qui se propagent et se combinent avec la même facilité, et ainsi de suite à l’infini. Il n’est rien de plus contagieux d’homme à homme que la foi, si ce n’est la passion. Les sensations ne le sont pas, et on n’est jamais sûr qu’elles se transmettent sans de fortes