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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/352

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altérations : en passant d’un visuel à un auditif ou à un moteur une image se dénature. Dans une foule surexcitée, ce ne sont pas les sensations à proprement parler qui s’avivent mutuellement ; ce sont les croyances et les désirs, qui, par leur simple contact et leur conscience réciproque, en arrivent à s’exalter à tel point que leur total est plutôt leur produit que leur somme. Par suite, et si imparfaite que soit toujours l’expression mathématique de tels phénomènes, c’est surtout grâce aux courants de croyance et de désir qui circulent en eux, qu’il est légitime de nombrer les hommes, leurs actions ou leurs œuvres, et de prétendre par ces dénombrements mesurer des réalités sociales incontestables.



VII

De là ces deux grandes quantités sociales, qu’on pourrait appeler la vérité et la valeur, dans le sens le plus large de ces deux mots, ou bien, en termes plus concrets, les lumières et les richesses. En cette dualité fondamentale[1], d’où découlent toutes les variétés de grandeurs mesurées ou non par les statisticiens, se reflète celle de la croyance et du désir, mais en s’y transfigurant. La sociologie n’est pas seulement de la psychologie agrandie, comme je l’ai dit ailleurs ; elle est avant tout de la psychologie extériorisée, supérieurement utilisée et transcendante. Les quantités sociales que je viens de nommer sont composées de quantités

  1. La puissance est réductible à une combinaison de lumière et de richesse ayant à son service la force armée.