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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/366

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du monde, car la « nature des choses », malheureusement, lui est très contraire ici.

Tantôt une progression lente et graduée est suivie d’une régression brusque et rapide ; c’est le cas de la plupart des fortunes particulières qui se détruisent, quand elles se détruisent (par la dissipation ou par le jeu), beaucoup plus vite qu’elles ne se sont formées (par l’épargne et le travail, ou même par une suite d’heureuses entreprises). Dans leur ensemble, elles vont s’accroissant avec lenteur, jusqu’à un effondrement général. — Tantôt, à une progression rapide succède une régression lente. En une cinquantaine d’années, au XVIe siècle, la richesse, la puissance, la gloire espagnoles ont atteint leur apogée ; et elles ont décliné pendant deux siècles. La foi chrétienne, en Irlande, en Bretagne, un peu partout, a progressé avec une vitesse incroyable depuis les premières prédications de ses apôtres jusqu’à son point culminant, où elle s’est maintenue pendant des siècles, et, quand elle a commence à s’affaiblir, parce que d’autres idées contradictoires ont commencé à s’y répandre, son déclin, entrecoupé de retours agressifs, a été et est toujours d’une remarquable lenteur. Je pourrais citer une foule d’autres exemples.

Ce défaut de similitude entre la progression et la régression tient à ce que celle-ci a pour cause non la progression correspondante, mais une progression ou des progressions étrangères, et, par suite, différentes, dont elle reproduit l’allure au rebours. Si la reculade, ou plutôt la déroute des diligences, après l’apparition des chemins de fer, a été beaucoup plus rapide que n’avait été leur développement antérieur, c’est