Aller au contenu

Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/365

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pour l’individu vivant, faisons-la pour lui seul, et ne nous hâtons pas de généraliser sans motif la nécessité de la décrépitude et de la mort.

De cette tendance presque universelle des choses à progresser, non à régresser, à s’arrêter en un équilibre indéfini, non à rétrograder et à mourir, il suit que la régression, quand elle se produit, et elle ne se produit pas toujours, est d’ordinaire bien moins régulière que la progression correspondante, à laquelle presque jamais elle ne ressemble, comme le montrent souvent les courbes de la statistique. Regardez monter, en tout pays, les nombres ou s’expriment les impôts, les dettes publiques, les dépenses publiques, les effectifs militaires. Est-ce qu’il y a rien de plus tristement et régulièrement croissant ? Et voit-on jamais, en quel pays a-t-on vu, les impôts, les armées, les emprunts, diminuer avec une régularité pareille ? Ce qu’on voit, c’est, à certains moments, un krach financier ou militaire, la banqueroute, un désarmement de gré ou de force, brusque et général, tel que celui de 1815[1], après quoi une nouvelle progression, analogue à la précédente, commence à se faire jour et grandit bientôt. Ou bien, par hasard, un peu de sagesse s’impose aux gouvernements, et l’on ouvre une caisse d’amortissement, par exemple, qui fonctionne un certain temps, avec la plus grande peine

  1. Dans son Europe politique et sociale, qui a été publiée en 1869, M. Maurice Blockse récrie contre l’exagération des forces militaires, de la France surtout. Il Mais, ajoute-t-il, le moment est arrivé où il n’est pas possible d’aller plus loin ; on est donc bien forcé de s’arrêter et de songer à revenir sur ses pas, » Hélas ! le savant économiste, on le voit, partageait les illusions du temps et parlait des armées européennes comme Mme de Sévigné du café.