Aller au contenu

Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/372

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mais, à moins que des procédés nouveaux n’apparaissent, propres à répondre aux mêmes besoins de sécurité ou de protection, et à les satisfaire d’une manière jugée préférable, on ne verra point ces procédés anciens tomber d’eux-mêmes, peu à peu et graduellement, en désuétude. Pourquoi ? pourra-t-on me demander. Parce que ceux qui seraient dans le cas d’avoir un livret de caisse d’épargne, notamment, ont à opter entre l’exemple de ceux qui ont suivi ce courant d’exemples et l’exemple de ceux qui s’en sont abstenus ; mais la non-imitation d’un fait, exemple négatif, est toujours bien moins contagieuse que son imitation. Aussi je suis bien disposé à penser que, si jamais on voit enfin les récidives criminelles diminuer, ou les divorces, ou les suicides, leur régression sera irrégulière, intermittente, capricieuse, et n’aura rien de la continuité frappante qui caractérise leur progression.

L’opulence a pour opposé l’indigence, et l’état zéro entre ces deux extrêmes est l’aisance, dont le niveau varie d’après les pays et les âges, mais qui, en moyenne, s’élève toujours. Une question anxieuse est de savoir quel est le rôle économique et social de cette séculaire opposition. Est-elle nécessaire ? Est-elle utile, et à quoi ? Remarquons qu’elle ne saurait être, rigoureusement, poussée à l’infini, que suivant l’une de ses branches, celle de l’indigence. Manquer de tout, c’est l’infini de la pauvreté et cet infini se réalise quelquefois, trop souvent. Tout posséder est un idéal que les milliardaires même n’atteignent pas. Mais, pratiquement, on peut dire que, lorsqu’ils ont trop de tout, la plénitude de la richesse et du luxe est réalisée, comme ailleurs la plénitude de la misère. L’homme, dans sa carrière économique, tend de l’infini