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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/434

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tragique, par un simple déroulement de personnages et d’événements harmonieusement variés.

L’intérêt esthétique s’attache souvent à l’exception, et, c’est ici le cas. Ajoutons que le développement du drame va de la tragédie historique, ou l’antinomie des désirs paraît insoluble, à moins de meurtres ou de suicides, à la comédie de mœurs, ou elle comporte des solutions pacifiques et souvent se révèle à la fin comme simplement apparente. Enfin, même dans la tragédie ou le mélodrame les plus trempés de sang, l’intérêt que nous prenons à la lutte des désirs ou des idées opposés est un élément inférieur et sans cesse décroissant de notre plaisir vraiment esthétique, qui consiste de plus en plus à voir mettre en relief, moins par des combats acharnés que par des situations singulières, l’individualité réaliste de caractères profondément originaux. Les caractères dans un drame sont-ils pour l’action dramatique, ou celle-ci pour ceux-là ? À cette question, posée par Aristote, l’évolution de l’art a répondu autrement que lui, en montrant que l’action a surtout pour but de déployer les caractères. Un caractère est une virtualité infinie, susceptible d’un nombre incalculable d’actions différentes. Quelle qu’elle soit, l’action dramatique n’est qu’un des innombrables faits que les personnages pouvaient produire, soit par leur concours, soit par leur conflit, soit isolement. Si, dans telle action, ils s’opposent, ils auraient pu collaborer à telle autre. Leur opposition n’est qu’accidentelle. Elle n’est nécessaire peut-être, esthétiquement, que parce qu’elle est le seul moyen d’accentuer leur réalité. Leur collaboration sans conflit nous les montrerait non comme des ambitions et des puissances infinies, susceptibles par suite